Maux de tête & Mots en tête-à-tête [Hot]

La dernière image qu'il eut de Marcus, fut celle de sa tête baissée vers la feuille. Ses cheveux empêchaient au psychiatre de voir son visage. Il sentait déjà la douleur, mais de façon atténuée. Quand la douleur vint, il se crut un instant aveugle, puis comprit que ce devait venir de cette souffrance, les neurones et nerfs ne fonctionnaient plus correctement.

Il sentit les infirmiers le transporter, mais ne les entendit pas. Puis quand la morphine qu'ils lui injectèrent passa dans ses veines, il sombra dans un état où il oscilllait entre délire et réalité. Ce ne fut qu'à l'aube du lendemain qu'il reprit conscience de lui-même.

Le vent s'engouffrait par la fenêtre, et venait balayer les cheveux noirs sur son visage. Il percevait non loin des sons qui semblaient être des voix humaines, et des mouvements tout aussi flous, mais dont il était certain de l'existence. La nuit avait été un cauchemar pleins de créatures étranges et ses rêves n'en étaient pas vraiment. Les effets de la morphine étaient plutôt néfastes à ce point de vue là. Les hallucinations étaient fréquentes et désagréables pour le patient, Adrian en faisait aujourd'hui les frais.

Il prit une inspiration profonde et sentit la brûlure dans sa gorge. Il voulut appeler, mais sa bouche restait ouverte, muette. Il chercha le bouton pour appeler électroniquement les infirmiers, mais ses yeux ne lui furent pas d'une grande aide : sa vision était trouble. Fébrilement, il tâta les alentours de sa main droite, et quelques instants plus tard, découvrit le boîtier de ses espérances. Il appuya sur linterrupteur, et aussitôt, quelqu'un vint.

"Oh... De eau... Mah cusse...Marcus V..." Sa voix n'était pas en état, mais la jeune femme qui était de garde, alla lui chercher de l'eau et discuta avec ses collègues de la suite des paroles du docteru Adamus. Ils firent rapidement le lien avec le patient qu'il avait eu en dernière consultation et le firent appeler.

Adrian n'allait pas baucoup mieux quand son jeune patient revint, mais l'eau qu'on lui avait apportée avait soulagé sa gorge. Il put donc lui répondre, tout de même avec une voix qui sortait de l'ordinaire :

"Bien. Ne t'inquiètes pas...pour moi. C'est juste un petit mal de tête." Mais il savait bien que ni Marcus, ni aucune personne sensée, ne croiraient à une telle remarque.

Sentant la main de Marcus sur la sienne, il sourit. Les muscles de son visage qui se contractèrent lui firent l'impression d'une décharge électrique. Il gardait les yeux mi-clos, à cause de la lumière qui entrait par la fenêtre, mais pouvait voir l'adolescent. La douleur s'était propagée dans tout son corps, et il ne ressentait plus que la faim et la soif. Il n'avait pas été privé de nourriture et de boissons pendant un long moment, mais ce qu'il avait eu, l'avait épuisé à un point qu'il trouvait extrême. Reprenant la parole, il voulut une fois de plus rassurer son patient :

"Je vais vite me réta...blir. Si ça te dérange pas, je vais faire un petit somme." Ses yeux se fermaient inexorablement, et il douta un instant du verre qu'on lui avait apporté. Peut-être qu'il n'y avait pas seulement de l'eau.

Quand il se réveilla, ou plutôt quand il revint à lui, Adrian se trouvait toujours dans la même chambre, mais quelque chose avait changé. Il ne sut d'abord pas dire ce que c'était, puis l'esprit encore embrumé de sommeil, il comprit que le soleil vivait pour aujourd'hui ses derniers instants. Il se redressa un peu dans son lit, remontant son oreiller contre le mur pour s'y adosser. Il remercia mentalement le soleil de laisser en paix ses yeux douloureux. Le froid était stoppé par la fenêtre (à présent refermée), mais Adrian remonta tout de même le drap sur lui, il frissonait légèrement.

Le reste de morphine qu'il avait dans le sang lui avait garanti un sommeil peu tourmenté, mais il espérait qu'une autre dose allait lui être prescrite rapidement. Sa tête le faisait souffrir, mais beaucoup moins, pourtant son désir d'avoir à nouveau de la morphine était puissant. Son ventre gargouilla, et il prit conscience qu'il n'avait pas mangé depuis au moins vingt-quatre heures. Il voulut appeler les infirmiers de garde, mais un détail le retint.

Une respiration lente, mais profonde s'élevait à côté de lui. Il se tortilla pour voir par dessus la barrière en ferraille. Au sol, un jeune homme qu'il connaissait bien dormait profondément. Un sourire se forma sans qu'il en eût conscience, puis un rire quasi-silencieux se fit entendre dans la pièce. Malgré sa discrétion, Marcus se réveilla. Adrian fut attendri de voir le jeune homme au réveil. Il semblait n'avoir pas plus de dix-douze ans.

"Bonsoir !" Le trentenaire avait dit cela d'un ton gai, amusé qu'il était de comprendre la situation. Le jeune l'avait veillé, et s'était endormi. Ils avaient tout deux dormis la presque totalité de la journée, sûrement huit ou neuf heures.

Le baiser de Marcus, bien que chaste, le laissa coi, dans une sorte de transe, presque comme s'il eut été hypnotisé. Il eut l'impression que sa joue gauche, celle que Marcus avait embrassée, chauffait et rougissait au plus haut point. Cette asymétrie le gêna. De peur que Marcus ne le vit, il tourna légèrement la tête de côté, ce qui lui donna un air interrogateur. La tête lui tournait, mais il ne savait si c'était son état qui lui jouait des tours, ou toute autre chose. Ne sachant que faire, il décida de répondre comme si rien ne s'était passé :

"Oui, s'il te plaît, je meurs de faim..." Il n'ajouta rien, à moitié dans les vapes qu'il était. Il se passa une main sur le visage, et la fraîcheur de sa paume lui fit du bien. Il respira profondement par le nez, essayant d'apaiser ce qui le troublaient tant.

Il regarda Marcus partir vers le réfectoire, et un soupir se fit entendre. Il ne savait que penser de ce baiser, ni de sa propre réaction inconsidérée. Bien sûr, les gestes d'affection venant des patients étaient rares, d'autant plus qu'il était distant avec eux, et avait le tutoiement pour seul lien relationnel. Pourtant avec Marcus ça avait tout de suite été différent. Il l'avait senti dès le premier regard. Ce jeune homme l'avait touché par son apparence de pauvre gars paumé, mais aussi par ses attitudes particulières. Ces gestes qu'il faisait tout le temps : se recoiffer, et tripoter ses vêtements ou son piercing. Il avait aussi remarqué son air parfois perdu, parfois stressé. Adrian ne pensait pas que le passé de Marcus, avec ce frère tyrannique, avait quelque chose à voir avec son attachement. Il ne faisait non plus aucun lien avec lui-même ou sa propre histoire. Il l'aimait tout simplement. Arrivé à cette conclusion, et sans se poser plus de questions, il l'accepta tel quel. Il l'aimait.

"C'est parfait ! Je te remercies Marcus." Sans plus attendre, il mordit une énorme bouchée du sandiwch. Bien que la baguette ne soit pas toute fraîche, le beurre salé et les morceaux de cornichons furent un régal pour les papilles d'Adrian. Il sentait parfaitement les saveurs, et les dégustait.

Après sa seconde bouchée, sa gorge réclama de l'eau, et Adrian vida d'un trait la moitité de la petite bouteille. Il continua de croquer son sandiwch, n'ayant d'yeux que pour lui. Puis s'arrêtant un instant, comme figé sur place, un morceau de pain encore dans la bouche :

"Et toi ? Tu n'as rien pris ?" Il le regarda, l'air inquisiteur. Puis comprit qu'une fois de plus, le jeune homme se privait de nourriture. Sans réfléchir, il tendit le reste du casse-croûte au jeune homme : "Prends !" Et sachant qu'il n'en ferait rien, il ajouta : "Si tu ne manges pas, tu ne pourras plus venir me voir à l'infirmerie. Tu as le choix ! J'aimerais vraiment que tu puisses rester auprès... enfin, ici."

"Très bien, très bien. Tu peux rester ici."

En parlant de chantage, Marcus avait eu raison de lui. Adrian ne voulait en aucun cas forcer de quelles que manières que se soient le jeune Von Guttenberg. Il fit donc son sandiwch et entama son orange. La pulpe était si juteuse qu'elle lui coulait sur les doigts, et avant qu'il ne put s'en empêcher il léchait ses doigts du bout de la langue. Il s'arrêta dans ce geste impoli, regardant Marcus d'un air interrogateur, puis il rit la bouche ouverte. Il finit son orange, et la bouteille d'eau fut bientôt vide. Il se nettoya les mains et la bouche avec une serviette en papier.

"J'aimerais beaucoup voir tes dessins. Tu pourrais peut-être me les amener tout de suite. Maintenant, je me sens un peu revigoré par ce repas, et je vais demander à prendre un antalgique. Tu n'as qu'à aller les chercher et nous verrons cela ensemble, si tu es d'accord !"

Il débrassa ses genoux des déchets de son frugal repas, et se rendit compte qu'il était vêtu d'une longue chemise qui lui descendait jusqu'aux mollets. Les petits pois bleus qui y étaient teints lui donnèrent envie de l'enlever sur le champ. Il détestait ces vêtements d'hôpital. Il hésita une seconde, puis demanda à Marcus, ce qui n'aurait demandé qu'à peu de personne :

"Je peux te demander une faveur ? Passes dans ma chambre me chercher un pyjama digne de ce nom... Celui-ci est... Enfin, tu trouveras ce qu'il faut dans une commode blanche à l'entrée de ma chambre, à droite. Tu tapes le code 43139, tu valides et tu peux entrer."

Après le départ de l'adolescent, Adrian demanda un médicament pour soulager sa tête et son corps. Peu de temps après, le jeune homme revint avec ce qu'il lui avait été demandé. Adrian prit donc ce que lui tendait Marcus, c'est-à-dire un pantalon large en lin beige, et un t-shirt uni blanc. "Parfait ! Et ça sera toujours mieux que cette chemise...horrible !" Il avait presque chuchoté ce dernier adjectif, préférant taire cet aspect de sa personnalité aux autres habitants de l'établissement. Il faisait attention à son style vestimentaire, mais voulait que ça reste naturel.

Adrian entama donc la phase de l'habillage. Il repoussa le drap vers ses pieds, et sortit les jambes du lit, de façon à les faire pendre. Ce geste seul eut la conséquence de lui faire tourner la tête, de petites étoiles noires clignotaient devant ses yeux. Il les ferma un instant, espérant qu'elles disparaissent. Pourtant lorsqu'il les rouvrit, sa tête lui lança une pique de douleur aiguë. Il resta là, assis sur le bord du lit, respirant profondément, son vertige se calmant peu à peu. Pourtant quand il retira la chemise il garda les yeux fermés. Il retira donc le vêtement que les infirmiers lui avaient mis, et enfila le pantalon et le t-shirt. Toujours les paupières closes, il se rallongea, croisant les doigts pour se sentir mieux.

Pendant tout ce temps, ce qu'il oublia c'est de dire à Marcus de se retourner.

"Non. Rien. Merci, Marcus. Et oui, je veux bien les voir !"

Adrian ne se rendait pas compte de ce que Marcus avait vu. Il restait enfoncé dans son oreiller, de peur de retrouver la sensation de malaise qu'il avait eue quelques secondes plutôt. Il tentait de concentrer son esprit sur ce que lui expliquait le jeune homme. Des dessins, oui, les dessins qu'il avait fait cette nuit-là, pendant que lui-même dormait dans une des chambres individuelles de l'infirmerie. Il regarda le premier dessin qui lui fut tendu. Et répondit à l'autre question du jeune homme avant de faire un commentaire :

"Demain j'aimerais pouvoir faire une petite balade pour prendre l'air frais. Ensuite je retournerais dans ma chambre personnelle et je reprendrais des forces." Après une courte pause, il reprit : "Je crois savoir ce qui c'est passé. Tu sais que je suis médecin avant d'être psychiatre ? Eh bien, je pense que cette crise était une migraine ophtalmique. Ca va passer, ne t'inquiètes pas." Et détournant la conversation sur l'oeuvre de Marcus, il dit : "Celui-ci. Que représente-t-il exactement ? Et décris-moi les autres aussi !"

Adrian remarqua le talent de Marcus pour dessiner, et se promit donc de lui refaire faire cet exercice qui ne semblait pas trop lui déplaire. Il examinait les feuilles, et chaque coup de crayon semblait lui donner une information sur le jeune homme.

Le premier dessin le rassura sur le don de celui-ci. Le deuxième lui donna l'impression de se voir dans un miroir, Marcus avait su mettre en relief les traits qu'il aimait chez lui. Le troisième fut un choc, car il se rendit compte de l'emprise qu'avait le frère de Marcus sur lui. Ce tatouage était plutôt grand, et cette partie du corps était sensible. Marcus avait dû beaucoup souffrir. Adrian lui jeta un coup d'oeil discret, mais n'ajouta rien, de peur de casser cette proximité qu'il y avait entre eux.

Le fameux Tomasz. Il en avait entendu parler, mais ne l'avait jamais rencontré. Il était apparemment atteint de troubles d'anxiété, et du syndrome du TPST. Il se dit qu'avec un peu d'aide venant de lui, il pourrait peut-être faire retrouver l'appétit à Marcus. C'était une idée à creuser.

"D'abord, je crois que tu as beaucoup de talent pour le dessin. je te propose quelque chose... Tu vas dessiner tous les jours. Même si ce n'est qu'une feuille par jour, c'est très bien. Et le jour de notre séance, tu viendras avec toutes les oeuvres que tu as faites. Ne t'inquiètes pas, je ne t'en voudrais pas si tu ne remplis pas ces conditions. Je pense pourtant que tu pourrais utiliser ce mode d'expression pour relâcher beaucoup de tensions que tu as en toi. Qu'est-ce que tu en dis ?"

"Tu feras de ton mieux ! J'en suis sûr. Et ne dénies pas ton talent pour le dessin !"

Il avait affirmé cela, et Marcus n'oserait pas le reprendre, il en était certain. Le jeune homme était trop craintif, et ne répondrait donc pas qu'il n'était pas doué. Adrian forçait ainsi son patient à accepter ses atouts. Peut-être faudrait-il lui demander de choisir les dessins qu'il préférait. Et par la suite, faire une exposition dans une salle commune où tout le monde (patients et personnel). Si Marcus parvenait à surmonter cette épreuve, il reprendrait certainement un peu confiance en lui.

"Tu penses vraiment que les traitements médicamenteux ne servent à rien... Je ne pense donc pas que tu en as besoin, si tu ne crois pas en leur efficacité, je ne t'en prescrirais pas. Si un jour, tu en sens le besoin, tu me le demanderas."

Comme à son habitude, Adrian ne força pas son patient à avoir le même avis que lui. De plus, son état ne donnait pas forcément lieu à une prise de médicaments. Bien évidemment, il était maigre, et ses angoisses étaient fortes mais sa vie n'était pas en jeu. Il précisa mentalement qu'il fallait qu'il surveille son comportement avec ses mains. Il n'avait de cesse que de toucher ses cheveux ou ses vêtements.

Pendant toutes ses considérations, Adrian observait Marcus, gardant les dessins à la main. Il sentit un élan d'affection lui traversait le coeur, et eut soudain envie de prendre le jeune homme dans ses bras. Il aurait aimé plonger ses mains dans ces cheveux, et serrait contre lui ce corps si fin. Il chassa cette pensée étrange de son esprit et demanda à son patient favori :

"J'aimerais me dégourdir les jambes. Aide-moi à me lever et à faire un tour dans le couloir. Je veux voir ce dont je suis capable !"

-Ben… En fait, je vois pas ce que ça pourrait changer… Mais… Si vous pensez que c’est mieux, je peux en prendre…

Répliqua Marcus, un peu gêné, craignant d’avoir contrarié Adrian. Honnêtement, il n’en avait aucune envie. Parce que s’il le contrariait, ils s’entendraient moins bien et ça lui ferait de la peine. Et puis… C’était mieux s’il s’entendait bien avec lui, tout simplement, non ?

-D’accord. Mais si vous fatiguez, vous me le dites, hein ?

Demanda l’adolescent, un peu inquiet. Le psychiatre avait l’air d’aller bien mieux que la veille, mais tout de même ! Ca n’était probablement pas une bonne idée que de le laisser se lever. Laissant son aîné s’asseoir au bord du lit, il passa un bras autour de ses hanches et l’aida à se relever, attendant quelques instants pour être bien sûr qu’il tenait correctement debout.

-Ca va ? Vous voyez toujours normalement ?

Non, Marcus n’était pas paranoïaque, mais il se faisait du souci pour Adrian.Car il n’était pas sans savoir qu’il devait prendre du repos et marcher n’était pas la meilleure façon d’y arriver. Avançant lentement, il le soutenait, attentif à ses réactions. Il marchait plutôt bien mais avait des doutes sur la fiabilité de son équilibre. Restait à espérer qu’il se remette vite !

"Ne t'inquiètes pas tant pour moi !" Il avait répondu cela sur un ton léger, mais c'était seulement pour cacher son sentiment face à tant d'attention.

Il prit le temps d'étendre ses longues jambes, de s'asseoir sur le bord du lit, et aidé par Marcus de se lever. Plus grand que l'adolescent, Adrian posa son bras sur les épaules étroites, doutant un instant de la force de Marcus à le rattraper. De plus, ses jambes ne semblèrent pas pouvoir le porter, mais sa volonté était plus forte que son corps. Bien soutenu par son patient, il avança un pied et se dirigea lentement vers le couloir. Lorsqu'ils passèrent la porte, le psychiatre cogna vigoureusement son coude contre le chambranle de l'ouverture. Un éclair de douleur lui traversa le bras, puis disparut. Sa vision était parfaite, mais il savait que s'il se forçait à marcher trop longuement son corps allait le lui faire payer.

"Je vois très bien ! Marchons jusqu'à la prochaine porte, et revenons sur nos pas."

Ils n'avaient fait qu'une dizaine de mètres, pourtant Adrian ressentait déjà la douleur revenir dans cette boîte crânienne qui semblait ne plus vouloir faire le moindre effort. Il commença à transpirer légèrement, ayant conscience que son corps avait des difficultés à suivre le rythme imposé par sa volonté. La chaleur qu'il dégageait devait atteindre Marcus, et il prit conscience de la proximité de leur corps. Un instant plus tôt, il voulait le prendre dans ses bras. Voilà son voeu exaucé.

Arrivés dans l'encadrement de la porte, Adrian se mit de côté pour éviter de se blesser. Il s'approcha donc des cheveux lisses et doux de Marcus, sa bouche effleura quelques mèches. Une odeur de fleurs l'envahit, ce devait être l'odeur de son shampooing. Il se retrouva alors face à Marcus, passa son autre bras autour du cou de celui-ci de façon toute naturelle. Et recula jusqu'à son lit, s'y installa sans attendre. Ses deux bras entouraient encore le fin cou de Marcus, puis il les laissa glisser, frôlant au passage le torse du jeune homme avec ses doigts. Tapotant son oreiller, il se prit à penser à ce fameux tatouage en forme de coeur. Et à la peau sur laquelle il était inscrit.

"Merci Marcus. Ce petit tour m'a un peu fatigué, mais je me sens bien... Sur ce, je vais faire un petit somme !" Il s'allongea sans plus de précautions. Le drap toujours à ses pieds, son t-shirt à moitié relevé, et une main dépassant du lit. En quelques secondes il fut dans un état second. Le sommeil ferma ses paupières, et sa respiration se fit plus profonde. Il dormait déjà.

Adrian était dans un rêve cotonneux, comme s'il avait été dans la ouate. Il se rendait compte qu'il dormait, car il tenait dans ses bras une peluche. Cet ourson semblait respirer et marmonner dans son propre sommeil. Une sensation de bien-être l'envahit, et il se laissa empoter dans d'autres rêves étranges. Un détail l'intrigua. Bien que l'ourson n'ait pas de doigts, il lui tenait le t-shirt.



Adrian s'éveilla. Il était sur le dos, et ses yeux s'ouvrirent sur le plafond blanc de la chambre de l'infirmerie. Il se sentait mieux à présent, le sommeil lui avait rendu une partie de ses facultés. Même en restant allongé, il le sentait. Il pourrait marcher jusqu'à sa propre chambre aujourd'hui, et prendre du repos à loisir. Il avait un peu chaud, et s'étonna que ce fut uniquement sur la droite. Il baissa les yeux sur son torse, et y vit une tête aux cheveux bicolores. Celle de Marcus. Il réfléchit le plus rapidement possible. Son corps s'étant tétanisé sous le coup de l'émotion. Comment cela était-il possible ? Marcus était blotti contre lui, agrippant d'une main son t-shirt. Il restait immobile, loin du réveil. Que faire ? Le réveiller ?

Adrian préféra qu'il se réveille seul. De plus, il ne connaissait pas Marcus au réveil. Et quelle serait sa réaction ? Adrian ne comprenait pas pourquoi Marcus était là. Il aurait dû partir, après... Après quoi ? Il ne se souvenait plus de ce qui s'était passé. Frayeur. Il se remémora enfin la courte balade dans le couloir, les cheveux contre ses lèvres, et les doigts contre son torse. Pourtant il ne se rappelait que de la fatigue, il se dit qu'il avait dû s'endormir. Mais que faisait Marcus dans ses bras ? La question restait entière.

Le psychiatre se dit que s'il bougeait lentement, il pourrait peut-être se lever et se libérer de cette situation plus que gênante, surtout si quelqu'un les apercevait ; mais l'homme qu'était Adrian préféra rester ainsi, se disant que ça serait la dernière fois qu'il pourrait le tenir contre lui. Ses bras étaient étendus de chaque côté de son corps. Alors Adrian ramena son bras droit sur les épaules de Marcus, s'étant sa respiration le soulever légèrement. Il referma les yeux dans un soupir. Il n'osait bouger, même sa poitrine ne se soulevait plus autant. Il ne voulait le réveiller. Malgré ce puissant désir, il ne pourrait contrer son pire ennemi. Le soleil. Ses rayons allaient très certainement gêner le dormeur et le réveiller.

Quelques minutes plus tard, Adrian sentit que la pièce s'éclaircissait, que Marcus tressaillait dans son sommeil, et que l'échéance n'allait pas tarder. Il pria pour que la lumière ne vienne pas, mais rien ne pouvait l'en empêcher. Il pressa une dernière fois contre lui Marcus qui s'éveillait pour de bon.

Quand Marcus se leva, Adrian sentit sa gorge se serrait, et une sourde douleur battre dans son coeur. Il avait mal à l'endroit où Marcus avait posé sa tête, non pas parce qu'il avait dormi sur lui, mais parce qu'Adrian ressentait une sorte de manque. Sa main glissa sur ses côtes, et y resta. Le réaction de rejet de Marus lui coupait presque le souffle, et ne sachant que répondre aux bafouillements du jeune homme, il se tut. Baissant la tête, lui aussi, il ne vit d'abord pas les larmes, mais quelques secondes après Marcus éclata en sanglot, et il l'entendit. Adrian se leva, sans plus réfléchir, et l'attrapa par les épaules. Il l'obligea à se lever, et le prit contre lui. La main gauche tenant la tête contre son torse, l'autre main entre ses omoplates, Adrian enfouit son visage dans le cou de Marcus.

Il respirait son odeur, caressant sa peau de ses lèvres. Il sentit l'étourdissement le gagner, et ses jambes trembler. Ce n'était peut-être pas à cause de son état de faiblesse après la crise de migraine ophtalmique, mais le vertige était bien là. Reculant de quelques pas, il heurta le bord de son lit, et entraînant Marcus dans sa chute, Adrian se retrouva allongé sur le dos, avec le jeune homme au-dessus de lui. Oubliant tout, il releva le visage de Marcus avec une main, approcha doucement le visage du sien.

Adrian sentait le souffle sur sa propre bouche, quelques larmes tombèrent encore sur sa peau, mais elles s'étaient presque toutes taries. Les sanglots de Marcus n'avaient plus lieu d'être. Adrian s'avança encore un peu, ne tenant le menton de Marcus qu'avec un doigt. Leurs lèvres se frôlèrent doucement. Celles de Adrian goûtèrent celles de Marcus. Le jeune homme fut attiré encore un peu plus contre le corps de Adrian.