Petit tête-à-tête

Adrian eut soudain l'impression de parler avec un enfant. D'abord, Marcus avait pris une intonation particulière pour poser cette première question rhétorique. Puis, il avait frotté ses yeux d'une façon qui rappela à Adrian un chaton au réveil. Il trouvait cela mignon, mais en était tout de même un peu perturbé. Marcus n'avait rien du comportement ou du physique d'un garçonnet. Bien sûr, il n'était pas encore tout à fait un adulte, mais il s'en rapprochait.

- Bien sûr que tu peux aller dans ta chambre ! Quoique... En fait, non... Je préfère te garder avec moi !

Sur ces dernières paroles, il entreprit de faire rire Marcus. Ses doigts cherchaient les côtes du jeune homme, et il se mit à le chatouiller énergiquement. Adrian joignit ses rires à ceux de son amant, puis l'attrapa par la nuque d'une main afin de le maintenir. Il le mordilla dans le cou ; ce qui devait avoir pour effet des chatouilles irrésistibles.

Prenant un ton encore plus enjoué que dernièrement, Adrian parlait et riait en même temps.

- D'abord, nous allons commencer par une séance de chatouilles intenses, afin de relâcher les tensions musculaires. Il entreprit de chatouiller les côtes de son patient. Ensuite, nous viendrons à une autre séance, cette fois-ci de morsures extrêmement douloureuses ! Il joignit le geste à la parole, provoquant de nouveaux éclats de rire. Et enfin, nous terminerons par une flopée de baisers... Se calmant un peu, il prit le dessus, et embrassa passionnément Marcus. Il semblait ne plus pouvoir s'arrêter.

Adrian devait l'admettre, cela faisait des mois, si ce n'est des années, qu'il n'avait pas autant ri, qu'il ne s'était pas autant amusé. Marcus semblait avoir le don de le rendre joyeux...heureux.

Adrian sentit immédiatement que Marcus ne voulait plus jouer. Ses baisers étaient appuyés et ses caresses pressantes. Pris dans le feu de l'action, il l'embrassa à nouveau ; sa langue caressant celle de son amant. Le corps nu de Marcus aiguisa vite les sensations d'Adrian, et il se mit à la recherche de quelque chose que le jeune homme aimerait. Pas à la façon des chatouilles et des morsures... Pas tout à fait. Il recommença ce qu'il avait stoppé net la nuit dernière, mais cette fois-ci, plus aucune barrière ne l'empêchait d'aller plus loin. Marcus ne refusait plus rien ; tout ce qu'Adrian entreprenait était accueilli par des murmures ou des gémissements. Les deux amants ressentaient un tel désir l'un pour l'autre qu'ils ne réfléchissaient à rien d'autre qu'à leur plaisir mutuel. Même si l'un était puceau et que l'autre n'avait jamais eu d'expérience de ce genre, ils n'avaient aucune gêne à assouvir leur désir.

[...]

Adrian et Marcus étaient tous deux en sueur, un rouge cramoisi étalé sur leurs joues. Leurs souffles étaient rapides et saccadés, mais leurs corps restaient collés. Au bout d'un moment, Adrian se mit sur le côté pour éviter de peser trop longtemps sur son amant encore sur le ventre. Adrian ferma les yeux et entrelaça ses doigts à ceux de Marcus, seule partie du corps qu'il touchait à présent. Sans se rendre compte de ce qu'il se passait, il commença à sombrer dans un état proche du sommeil.

Marcus, anéanti de plaisir, reprenait péniblement son souffle quand Adrian se plaça à côté de lui. Malgré tout soulagé de pouvoir respirer un peu plus librement, il bascula sur le côté pour faire face à son amant, serrant sa main dans la sienne. Gardant les yeux fermés quelques instants pour tenter de faire disparaître la rougeur de ses joues, il constata ensuite que l'homme s'était endormi. Ou alors, c'était tout juste. Un peu vexé, il poussa un soupir mais alla se blottir contre lui, attrapant un bout de couverture pour la remonter un peu sur eux.

Comment lui en vouloir alors qu'il lui avait fait pire la veille? En plus, au réveil, c'était fatiguant. Mais malgré la fatigue, malgré qu'il aie faim et malgré qu'il se sente privé de toutes ses forces, l'adolescent se sentait plus heureux que jamais. C'était la première fois qu'il se sentait aussi bien. Mais bon sang, il préfèrerait quand même nettement faire un tour à la cafétaria que de rester couché à se rendormir...

-Adrian? J'ai faim...

Souffla timidement Marcus, osant à peine élever la voix. Après tout, si son amour dormait, il attendrait!

Adrian eut du mal à ouvrir les yeux, son esprit était embrumé. Il se sentait si bien qu'il avait peur de bouger, ne serait-ce que de se lever. Il ne voulait pas gâcher cet instant. Pourtant la voix de Marcus le força à revenir dans le monde réel, et un sourire vint même accueillir l'affirmation du jeune homme. Il avait faim. Il avait faim, alors que ce même jeune il y a peu se laissait dépérir, ne s'alimentant qu'en de rares occasions. Sans s'en rendre compte, l'homme avait refermé les paupières.

Il les ouvrit à nouveau, cette fois-ci pour de bon. Il rejeta les couvertures et se redressa, s'asseyant sur le bord du lit. Dans la bataille, il avait perdu son caleçon, et se rendant compte de sa nudité, il rabattit les couvertures sur ses cuisses. Il n'était pas pudique en temps normal, mais la présence de Marcus le rendait un peu nerveux, il lui fait bien se l'avouer.

- Bien évidemment ! Si tu veux bien, je vais me doucher, tu retournes dans ta chambre, discrètement, et on se retrouve au réfectoire.

Hésitant à se lever, il attendit que le jeune homme réagisse.

Adrian se laissa embrasser, sans vraiment répliquer. Il était un peu sonné en vérité, il sentait la tête lui tourner légèrement. Une pulsion se faisait sentir au niveau de sa tempe gauche. Il avait les muscles noués par des sortes de crampe peu douloureuses, mais bien présentes. Sa gorge sèche le grattait ; il eut soudain envie d'un grand verre d'eau. A présent seul, il n'avait plus aucune raison de rester assis, caché sous les couvertures. Il rejoignit donc la kitchenette d'un pas rapide, et ne prenant pas le temps de sortir un verre, il but à la bouteille. Après de longues rasades, il prit le chemin de la salle de bain.

Toujours nu, il s'examina quelques instants dans le miroir. Il aurait besoin de se raser et d'une coupe de cheveux. Remettant cela à plus tard, il entra dans la douche, et il resta un bon quart d'heure. D'abord, il fit couler de l'eau bien chaude et se savonna, puis baissa la température. Sous l'eau presque froide, il sentait son corps se réveiller, son énergie revenir. De retour dans sa chambre, une serviette lui ceignant les hanches, il choisit uen tenue plus décontractée qu'à son habitude : un jeans, un t-shirt noir imprimé et ses chaussures italiennes. Ses cheveux gouttaient dans sur son front et le reste de son visage, il les rejeta en arrière d'une main. Il s'habilla rapidement ; Marcus devait déjà l'attendre depuis un moment. Il jeta négligemment un blouson en cuir sur son épaule, et sortit.

Dans le couloir, il rencontra des infirmiers et une femme de ménage. Tous le connaissaient, mais ils eurent quelques difficultés à reconnaître en lui, le médecin, le psychiatre sérieux toujours en costume. Il semblait avoir rajeuni de plusieurs années. Les cheveux en arrière, la barbe naissante, les vêtements, le teint frais, le sourire resplendissant, ses yeux bleus pétillant de malice, tout concordait à le rajeunir. Il les salua, semblant ne pas remarquer leurs regards inquisiteurs.

Le réfectoire avait ouvert ses portes et déjà plusieurs patients et soignants prenaient leur petit-déjeuner. Il aperçut Marcus. Dans son ventre, ses tripes se tordirent comme celles d'un artiste qui doit entrer en scène. Il s'était arrêté, mais le jeune homme ne l'avait pas encore remarqué. Il s'avança donc vers lui, d'un air dégagé. Comme s'il n'avait pas fait ça pour lui, comme s'il n'avait pas tenté de se faire beau pour lui.